Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Une montagne, un fusil, un lac », de Lars Ramslie : le jour où Lars perdit son père

« Une montagne, un fusil, un lac » (Fjellet, geværet, vannet), de Lars Ramslie, traduit du norvégien par Hélène Hervieu, Paulsen, 224 p., 19 €, numérique 12 €.
En 1997, le premier roman de l’écrivain norvégien Lars Ramslie, un récit à caractère autobiographique intitulé Biopsi (non traduit), décrivait la relation entre un père toxicomane, en fin de vie, et son fils, alors jeune adulte. Une montagne, un ­fusil, un lac revient aux origines de cette histoire familiale, pour livrer le portrait de la figure paternelle à travers les yeux du garçon.
Pendant les vacances d’été, en 1983, alors que Lars a 9 ans, son père décide de l’emmener en montagne, terrain de jeu de son enfance. L’ascension prend vite l’allure d’un rite de passage : l’enfant est maintenu dans l’ignorance de leur destination et peine à suivre la folle cadence que lui impose l’adulte, bien décidé à pousser son fils au dépassement physique, jusqu’à le mettre en danger.
Centré sur cette « journée particulière », le récit inclut cependant de nombreux allers-retours dans le temps qui éclairent le mélange de crainte et d’admiration que le fils nourrit à l’endroit de son géniteur. Le père de Lars est en effet le cadet d’une famille qui a fini par le déshériter en raison de son tempérament « imprévisible », et que l’alcool a rendu d’autant plus incontrôlable. Le narrateur le compare à la figure biblique de Samson, à cause de ses longs cheveux et de sa force peu commune (il est boxeur), mais aussi en référence à ses accès de colère dévastateurs. Avec son fils, cependant, il se montre doux, le plus souvent. D’où le titre du deuxième chapitre, « Et les abeilles firent du miel dans le crâne du lion », qui fait écho à un épisode de la vie de Samson et illustre les pôles opposés du caractère paternel.
Si ce personnage est tellement ambivalent, c’est aussi parce qu’il nous parvient à travers le regard aimant du jeune garçon. Les enfants voient tout, comprennent souvent plus qu’on ne le pense, et Lars ne fait pas exception : témoin des comportements pourtant odieux de son père (le troisième chapitre débute sur une glaçante scène de violences conjugales), il lui pardonne presque toujours, dans des élans de tendresse désespérés. On comprend l’usage constant de la deuxième personne dans le livre, comme s’il s’agissait de s’adresser directement à cet homme, tenter d’atteindre par le langage la vérité profonde de celui que Lars et sa mère nomment parfois « celui qu’on n’a jamais réussi à connaître ».
Il vous reste 30.21% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish